Face à la justice « malade » déplorée par Félix Tshisekedi, Constant Mutamba, 36 ans, se veut ce ministre qui apportera une thérapie de choc. Ses premières actions sur le terrain, au cours de ces 100 jours depuis l’investiture du gouvernement, ont effectivement, non sans raison, été sujettes à de vifs débats au sein de l’appareil judiciaire et du microcosme politique congolais.
Et, le jeune membre du gouvernement Suminwa est peut-être loin de se tirer d’affaire, tant il n’arrête de se créer des ennuis, à tord ou à raison. Il y a peu, il s’est engagé dans une démarche aussi périlleuse que risquée, celle de désengorger les milieux carcéraux congolais dont la très surpeuplée prison de Makala, à Kinshasa.
Construit pour 1500 détenus, ce pénitencier regorge jusqu’à plus de 15000 prisonniers dont nombreux meurent de faim, de soif ou d’étouffement. En début de semaine, Constant Mutamba a enjoint que soient libérés plus de 1600 autres prisonniers afin de rendre de nouveau vivable la prison de Makala.
Cependant, un des anciens kulunas libérés a aussitôt récidivé. Ce qui a aussitôt interrogé sur la procédure mise en place par le ministre congolais de la Justice.
Peter Kazadi, ex-ministre de l’Intérieur, se montre radicalement opposé à la méthode Mutamba. Il va d’ailleurs plus loin et considère ces libérations massives comme une politique-spectacle, une théâtralisation qui ne vient rien résoudre en ce qui des problèmes carcéraux.
« Vider les prisons en déversant ces criminels dans les rues n’est nullement la réponse aux problèmes de la surpopulation carcérale. Il est temps d’épargner à nos populations la politique-spectacle fondée à la fois sur des conflits permanents et la victimisation. Le peuple a besoin de solutions bien réfléchies plutôt que d’assister à la théâtralisation de la vie politique », écrit-il sur son compte X.
Un couteau à double tranchant
Dans l’opinion publique, la nécessité de désengorger les prisons congolaises est impérative. Le surpeuplement qui va souvent au-delà même de l’imaginable fait des lieux de détention, de véritables camps de concentration, des mouroirs à petit feu.
Plusieurs d’entre les détenus y sont pourtant jetés pour des faits bénins, d’autres sont innocents et d’autres encore croupissent dans leurs cellules sans jamais été présentés devant un juge. D’où l’ultime urgence de viabiliser les prisons et de travailler sur ce problème réel de justice.
« Plus de 85% des détenus dans nos prisons sont des prévenus (…). Le désengorgement massif que vous voyez, qui frise parfois le scandale, est dû, entre autres, à la situation que nous avons trouvée », se défend Constant Mutamba.
Mais en même temps, il est nécessaire de mentionner que les libérations massives sont un couteau à double tranchant si elles n’intègrent pas de procédures rigoureuses. Comme s’est exclamé Peter Kazadi, si l’on ne prend pas garde, elles risquent de créer plus de problèmes qu’elles n’en résolvent, notamment sur le plan sécuritaire en milieux urbains.
Des criminels déversés dans la rue tenteraient de se venger contre ceux qui les ont écroués; d’autres essayeront de revenir à leur routine et redevenir un problème sociétal.
D’où l’impérative nécessité des mesures d’accompagnement pour limiter les dégâts. Et, tel que l’a suggéré Peter Kazadi, « construire des prisons à travers le pays pour y enfermer tous les bandits et voleurs des deniers publics », plutôt ouvrir les prisons à des criminels.
Sur la toile nombreux sont ceux qui encouragent l’ancien patron de la territoriale a amené la question au débat à l’assemblée nationale dans le cadre d’une interpellation en direction du ministre d’État à la justice pour mieux élucider sa critique.
Jean Ngaviro