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Justice

Paris: Charles Onana se défend de nier le génocide des Tutsi au Rwanda

Charles Onana. politologue, journaliste d'enquête, essayiste et éditeur franco-camerounais.
Charles Onana. politologue, journaliste d'enquête, essayiste et éditeur franco-camerounais.

L’auteur franco-camerounais Charles Onana s’est défendu lundi devant le tribunal correctionnel de Paris d’avoir nié le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, évoquant un « fait incontestable ».

« Je ne nie pas du tout le génocide et je ne le ferai jamais », a déclaré à la barre l’auteur de 60 ans, jugé à partir de lundi pour contestation de l’existence d’un crime contre l’humanité.

Il a ajouté considérer « le génocide contre les Tutsi comme étant un fait incontestable », déplorant qu’ « on me prête des intentions qui ne sont pas les miennes ».

Dans un livre paru en octobre 2019 et intitulé « Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise. Quand les archives parlent », M. Onana évoque entre guillemets «  le dogme ou l’idéologie du +génocide des Tutsi+ », et affirme que « le conflit et les massacres du Rwanda n’ont rien à voir avec le génocide des Juifs! ».

« La thèse conspirationniste d’un régime hutu ayant planifié un +génocide+ au Rwanda constitue l’une des plus grandes escroqueries du XXe siècle », ajoute-t-il.

Depuis 2017, la loi sur la liberté de la presse punit le fait de nier, minorer ou banaliser de façon outrancière tous les génocides reconnus par la France, et pas seulement celui des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

Affirmant avoir réalisé un « travail de politologue », Charles Onana a expliqué faire la différence « entre les civils tutsi qui ont été victimes d’un génocide et des rebelles qui mènent une action violente et qui ont conquis le pouvoir par la force des armes » en référence au Front patriotique rwandais (FPR, toujours au pouvoir à Kigali).

Pour justifier la qualification d’ « escroquerie » à propos de la « planification » du génocide, pourtant reconnue par plusieurs juridictions en France et à l’étranger, M. Onana affirme qu’elle renvoie au FPR, « qui le met en avant dès le mois d’avril 94 » sans pour autant « en apporter la preuve ».

Et d’insister sur l’ « offensive menée par le FPR pour renverser le régime au pouvoir » à l’époque, comme « déclencheur » des évènements qui ont suivi.

‘Historique’

Le génocide commis en 1994 au Rwanda, à l’instigation du régime extrémiste hutu alors au pouvoir, a fait environ 800.000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement parmi la minorité tutsi mais aussi des Hutu modérés, selon l’ONU.

Certaines personnalités controversées assurent qu’un autre génocide, commis par les Tutsi du FPR, s’est déroulé en représailles contre les Hutu, voire que le FPR portait une responsabilité directe dans le déclenchement du génocide contre sa communauté.

A la suite d’une plainte déposée en 2020 par les associations Survie, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et la Fédération internationale des droits humains (FIDH), M. Onana et le directeur de publication des Editions du Toucan, Damien Serieyx, ont été mis en examen en 2022 pour « contestation publique de crime contre l’humanité », selon l’ordonnance de renvoi que l’AFP a pu consulter.

« Nous sommes face à un négationniste assumé qui ne peut se réfugier derrière aucun prétexte », a déclaré à l’AFP avant l’audience Me Sabrina Goldman, avocate de la Licra, également partie civile. « Pour qu’il y ait un génocide, il faut un plan concerté, ce qu’il récuse », a-t-elle dit.

Il s’agit du second procès en France pour contestation du génocide des Tutsi. Le premier, en 2022, avait débouché sur une relaxe de la journaliste française Natacha Polony après des propos ayant suscité une vive polémique.

Le procès de M. Onana sera « historique, puisque qu’il n’existe pas encore de jurisprudence à proprement parler en lien avec le Rwanda » sur les questions de négationnisme, a affirmé à l’AFP Camille Lesaffre, chargée de campagne de l’association Survie. « Cela va permettre de préciser les limites légales des propos que l’on peut tenir sur ce crime contre l’humanité ».

Une vingtaine de témoins, dont d’anciens officiers militaires français et rwandais, ont été cités par la défense, tandis que les parties civiles ont fait appel à des historiens et professeurs de droit. Les audiences se poursuivent toute la semaine.

Afp

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