Nous avons parcourus les rues animées de la capitale congolaise, un phénomène prend une ampleur inquiétante : les paris sportifs. Ce qui était autrefois perçu comme un loisir réservé aux passionnés de sport est devenu une obsession collective, touchant des couches sociales de plus en plus variées. Jeunes, adultes, mères de famille voire jeunes filles se lancent dans ce que beaucoup considèrent comme un piège déguisé en opportunité de gains rapides.
Il suffit de parcourir les quartiers populaires de Kinshasa pour remarquer la prolifération des agences de paris sportifs. Ces établissements, parfois modestes, sont pris d’assaut à chaque heure. Les joueurs, armés de quelques billets de banque, tentent leur chance dans l’espoir d’un jackpot. Cependant, la clientèle ne se limite plus aux hommes. De nombreuses jeunes filles et mères de famille se retrouvent également piégées par ces jeux de hasard.
« Je parie avec l’espoir d’avoir de quoi nourrir mes enfants », confie Mama Rose, une mère de trois enfants rencontrée dans une agence à Lingwala. « Mais souvent, je perds tout et je suis obligée d’emprunter pour recommencer. »
Un engrenage destructeur
L’attrait des gains rapides pousse de nombreux parieurs à ignorer les conséquences de leurs actes. Pour beaucoup, ces jeux deviennent une addiction. Les jeunes filles, séduites par les promesses d’une vie meilleure, utilisent leurs économies ou sollicitent des prêts pour financer leurs paris. Les mères de famille, elles, mettent en péril le budget du foyer, espérant pouvoir subvenir aux besoins quotidiens grâce à un coup de chance.
« J’ai déjà vu des femmes vendre leurs biens pour continuer à parier », déplore un gérant d’agence de pari à Kasa-Vubu. « C’est triste, mais c’est leur choix. Nous, on ne fait qu’offrir un service ».
Les conséquences de cette frénésie des paris sportifs sont multiples. Outre les pertes financières, on observe une montée des tensions familiales, des dettes accrues et un désintérêt croissant pour des activités productives. Certains jeunes abandonnent leurs études pour se concentrer sur le jeu, croyant naïvement pouvoir en faire une carrière lucrative.
« Ce phénomène détruit la jeunesse », affirme un sociologue de l’Université de Kinshasa. « Le rêve de gains faciles détourne les gens des vrais efforts nécessaires pour améliorer leur vie. «
Malgré l’ampleur du problème, les autorités semblent dépassées. Si les paris sportifs sont officiellement encadrés, peu d’efforts sont déployés pour sensibiliser la population aux dangers de l’addiction. Les agences, quant à elles, exploitent ce vide en proposant des offres toujours plus attractives.
Pour freiner cette spirale destructrice, des experts appellent à une réglementation stricte et à des campagnes de sensibilisation visant à éduquer la population sur les risques des jeux de hasard.
Lionel Kibuluku