Après plus d’une décennie de soupçons, de controverses et d’accusations publiques, une enquête approfondie menée par Bloomberg, s’appuyant sur des documents confidentiels d’arbitrage, offre un tout nouvel éclairage sur les affaires du milliardaire israélien Dan Gertler en République Démocratique du Congo.
Une procédure d’arbitrage historique, un verdict sans appel.
Cette procédure d’arbitrage civil, entamée il y a 14 ans en Israël, opposait Gertler à deux de ses anciens partenaires commerciaux, les frères Mendi et Moshe Gartner, qui réclamaient une part substantielle de ses revenus miniers au Congo. Leur réclamation initiale s’élevait à 1,6 milliard de dollars, soit environ la moitié des actifs de Gertler.
Le verdict, rendu en avril 2024 par un ancien président de tribunal israélien après l’examen de plus de 10 000 pages de preuves, documents, correspondances et témoignages, conclut sans équivoque :
« Aucune preuve convaincante de pots-de-vin ou de paiements inappropriés n’a été présentée. »
Des allégations sans fondement.
Bloomberg, qui a eu accès à l’intégralité de la décision, souligne que les accusations de corruption portées contre Gertler n’ont jamais été étayées par des preuves concrètes dans ce cadre juridique, le seul à ce jour à avoir examiné les faits en profondeur. Même si le litige portait sur un différend financier et non sur des poursuites pénales, la décision vient ébranler près de 20 ans d’allégations relayées par plusieurs ONG et médias. Les frères Gartner ont finalement obtenu 85 millions de dollars, soit à peine 5 % du montant qu’ils réclamaient.
Des investissements à vocation sociale, pas des pots-de-vin
Parmi les éléments analysés figure le rôle d’un ancien collaborateur de Gertler, M. Katumba, décédé en 2012. L’arbitrage a confirmé que ce dernier n’occupait aucune fonction officielle entre 2006 et 2008, période durant laquelle il a reçu des paiements de la part de Gertler.
Selon les témoignages et documents versés au dossier, ces fonds étaient destinés à
financer des projets communautaires : hôpitaux, écoles, bibliothèques, matériel médical, aides aux enfants albinos ou aux victimes de violences sexuelles. Aucune preuve n’indique que ces paiements aient été des pots-de-vin.
Une gestion rigoureuse et un engagement local reconnu
L’arbitrage met également en lumière le souci de Gertler pour le bien-être des employés congolais. Il a témoigné s’être emporté contre les frères Gartner à cause d’un retard de paiement, redoutant qu’il ne compromette les salaires des mineurs.
« Il s’agit de familles à nourrir, je ne permettrai jamais que leurs salaires soient versés avec un jour de retard », aurait-il affirmé lors d’une audience.
Autre révélation : Gertler aurait prêté de l’argent à des institutions publiques, comme la Banque centrale ou la société minière MIBA, dans un contexte où le système bancaire congolais était encore embryonnaire. L’arbitre a jugé ces pratiques légales et courantes à l’époque.
Une réhabilitation tardive, mais décisive
Cette décision d’arbitrage — première évaluation juridique complète et indépendante de l’ensemble des accusations visant Gertler — réhabilite l’homme d’affaires, jusque-là considéré par de nombreux acteurs internationaux comme persona non grata.
Bien que Gertler ait contesté le verdict et engagé une procédure en annulation estimant ne rien devoir aux frères Gartner, la reconnaissance publique de son intégrité représente un tournant majeur dans cette affaire. Ces dernières années, Gertler avait amorcé un retrait progressif de ses participations minières, les transférant à l’État congolais. Aujourd’hui, à la lumière de cette décision, un
retour sur la scène économique internationale semble envisageable.
Contacté par Bloomberg, Dan Gertler n’a pas souhaité commenter, mais selon des sources proches, il aurait accueilli cette décision comme une validation tardive mais essentielle de son engagement envers la RDC.
